"Brexit",
ce néologisme inventé par les médias pour parler de la sortie de
l'Union Européenne par le Royaume Unis. Nous savons aujourd'hui ce
qu'il en est. Et nous avons toutes et tous pu voir la joie de
certains de nos compagnons de route ou proche camarade se réjouir du
vote en faveur de cette sortie. Mais n'est-ce pas un peu se mettre le
doigt dans l'œil ?
Tout d'abord, notons
que c'est avant tout un vote de repli sur soi. La campagne a porté
en grande partie sur l'idée que "entre nous, nous sommes mieux
que salis par ces autres qui ne nous ressemblent pas".
Nationalisme, patriotisme, xénophobie se sont exprimés comme
rarement dans le Royaume Uni, en flux tendu pendant des semaines. Le
racisme anti-musulman, sur fond d'attentats en Europe et amalgames
douteux, est en roue libre. Même la mort de la députée pro-UE, Jo
Cox, abattu par un raciste proche du Ukip (parti d'extrême droite),
n'a que peu ralenti la course à la haine.
Comment, en tant
qu'anarchistes, pourrions-nous nous satisfaire lorsque l'on voit un
référendum être gagné sur des bases aussi malsaines ? Il y avait
bien entendu des pros sortie de l'UE qui n'étaient pas sur ces
délires, mais tous les sondages, toutes les études faites sur le
vote final démontre que c'est bien la xénophobie (la peur de
l'autre) qui a été le premier moteur en faveur du "Leave",
et ce largement.
D'ailleurs, il est à
noter que l'extrême gauche et la gauche anglaise, tout comme le
mouvement anarchiste sur place, ont eu un mal fou à faire une contre
campagne face à ce flot boueux. C'est même une non-campagne qui a
été menée par le Parti Travailliste, la gauche sociale-démocrate
anglaise. Seul le nouveau maire de Londres (Sadiq Khan) a mouillé la
chemise non par amour éperdu de l'Europe, mais en réaction ferme
face à la monté xénophobe. Et il est loin d'être l'homme le plus
à gauche que l'on puisse connaitre …
Certes, l'Union
Européenne, par sa direction très libérale, par son côté
technocratique, par ses relents parfois anti-démocratique est plus
que critiquable. Mais elle a permis des choses qui, pour nous,
devraient nous parler : l'idée d'un état fédéraliste en devenir
(même s'il est bien loin de ce que nous mettons derrière le
fédéralisme, et que nous voulons la mort des états), d'une
abolition des frontières (même si ce n'est pas pour tous et pas
comme nous l'envisagerions) et d'une entraide entre nations évitant
la guerre (même si là aussi il y a beaucoup à dire). Que nous le
voulions ou non, l'idée de sortir pour se replier n'est pas une idée
progressiste, et encore moins une idée qui devrait nous séduire.
Même si ça enquiquine une partie des tenants du pouvoir, et une
partie de la bourgeoisie européenne. Même si ça déstabilise les
marchés qui ne sont que le reflet de notre société de consommation
capitaliste.
Portée par le
racisme, la xénophobie, le nationalisme et le patriotisme, cette
"victoire" ne peut être saluée sereinement par des
anarchistes. Elle ne peut, au contraire, que nous alerter sur
l'immense tâche qui est la nôtre dans l'avenir pour changer la
société non par le repli communautaire, mais bien par la libération
des humains de leurs chaînes.
Si nous voulons du
fédéralisme, nous le voulons à la sauce libertaire, si nous
souhaitons la fin des frontières, ce n'est pas juste pour élargir
le terrain de jeu des financiers, si nous désirons la fin de
l'Europe, c'est que nous pensons que seul l'internationalisme couplé
à une gestion anarchiste de la société est une porte de sortie
valable.
D'ailleurs, pour finir, notons que même l'argument d'une sortie
contre le libéralisme ne tient pas. Les porteurs de la sortie de
l'Union Européenne sont, dans leur immense majorité, des libéraux
économique pur jus. Un libéralisme sous le drapeau de leur "belle
nation", mais un libéralisme économique débridé quand même
!
A nous anarchistes
de démontrer que la tentation patriotico-nationaliste n'est jamais
le chemin de la paix.
Fab
Graine d'Anar –
Lyon