mercredi 14 octobre 2015

Refugees welcome ( 4 pages Monde Libertaire)



De Grèce :

la galère des réfugiés


Quatre millions de réfugiés ont d'ores et déjà quittés la Syrie en guerre, son dictateur fou-furieux, et ses intégristes. Dix mille réfugiés, hommes femmes et enfants venus de Hongrie par l’Autriche, sont arrivés en Allemagne pour le seul dimanche 6 septembre, un niveau alors jamais atteint en une seule journée, mais après avoir évité quelles embûches, quelles humiliations et quelle haine ! Selon l’Organisation internationale des migrations, plus de 100.000 migrants sont arrivés clandestinement en Europe depuis le début de l’année 2015 et environ 1.770 hommes, femmes et enfants sont morts. Un parcours souvent semé d’indifférence ou de haine
De la Turquie, il s’agit encore de rejoindre les îles grecques, souvent avec la pression des passeurs qui saignent les populations migrantes au passage. Une
semaine, près de 4.300 réfugiés dont une majorité de Syriens, ont débarqués au
Pirée, transportés de l’île de Lesbos par les autorités grecques, qui demandèrent une aide de l'Union européenne pour faire face à cet afflux. Me trouvant au Pirée le matin de leur arrivée, j’ai pu voir de mes propres yeux, leur désarroi et la panique maîtrisée dont ils font preuve après avoir déjà traversé tant d’épreuves, devant l’indifférence de la population grecque. Malheureusement, difficile de communiquer quand on ne parle pas la langue arabe. Tous revêtent pour la plupart leurs plus beaux habits, avec un sac à dos pour seul souvenir de tout ce qu’ils ont laissé derrière eux. Leur dignité et leur résignation m’ont surtout frappé. Mais, pour la plupart d’entre eux, il ne s’agit là que d’une pause avant de continuer leur périple vers le nord de l'Europe, notamment en empruntant la route des Balkans. Le lendemain, environ 2.600 réfugiés syriens ont appareillé à bord d'un ferry affrété par les autorités pour Thessalonique, deuxième ville du pays et capitale de la Macédoine grecque. De là, des autocars ont été affrétés pour des transferts en République de Macédoine (Fyrom), pays frontalier de la Grèce, mais par lequel les réfugiés ne font aussi que passer. Ils sont des milliers à remonter les autoroutes et les voies ferrées de Macédoine, en direction de la frontière serbe. Les réfugiés syriens qui empruntent cette route, moins connue, des Balkans occidentaux vers l’Union européenne, doivent cependant faire face à des vols à main armée, des violences et des prises d’otage.
A la frontière serbo-hongroise, ça s’obscurcit encore un peu plus. Les policiers locaux utilisent des gaz lacrymogènes à travers les barrières des camps provisoires pour essayer d’empêcher les réfugiés de s’échapper individuellement. Ceux qui passent par la Bulgarie ne sont pas mieux lotis.
Selon le témoignage des associations humanitaires, dans les camps d’accueil, les
réfugiés disposent d’un WC pour 100 personnes, pas d’eau chaude, pas d’accès aux soins médicaux. Quelques enfants, peu habitués à la nourriture locale, ont des problèmes digestifs. Les seuls médicaments qui leur sont distribués viennent de la poche de pédiatres bénévoles des associations humanitaires. Mais le pire les attend encore en Hongrie où la situation ressemble à l’enfer. Des centaines de réfugiés tentent de rejoindre l’Allemagne et la France à pied malgré les barbelés et le nombre impressionnant de policiers qui tentent de les en empêcher. A la gare de Budapest, un groupe de hooligans a tiré des grenades fumigènes contre des familles syriennes. Rapidement, un début d’affrontement a
eu lieu avant que la police ne s’interpose. Un groupe de réfugiés a eu le sang
froid d’organiser une chaîne humaine pour empêcher les skinheads d’agresser
les autres migrants. Mais c’est encore en Slovaquie et en République tchèque
qu’on a pu assister à une scène digne de l’horreur des années nazies. Avant que
des juristes et militants des droits humains n’interviennent, les forces de
l’ordre de ces deux pays avaient utilisé des marqueurs pour inscrire une série
de chiffres sur la peau de 214 réfugiés, en majorité syriens, interpellés à la fron-
tière à bord de trains venant d’Autriche et de Hongrie. Une procédure justifiée
par «la forte présence d’enfants parmi eux et le souci d’éviter que ces derniers
ne se perdent», selon la mauvaise foi d’une porte-parole du ministère de l’in-
térieur tchèque. La porte-parole de la police des étrangers a elle aussi défendu
une mesure destinée à protéger les familles. « Nous inscrivons également le
code du train à bord duquel ils voyagent, pour savoir vers quel pays nous devrons les renvoyer en cas de réadmission». Un procédé à faire revenir les cauchemars des survivants des déportations et victimes des camps de concentration nazis... C’est terrifiant de voir à quel point les heures les plus sinistres de l’histoire ne font que se répéter, alors que les notions de solidarité, de partage et d’internationalisme sans frontières ni états semblent durablement figés.

Patrick Schindler groupe Claaaaaash, FA


Les frontières  intérieures

Fred
Groupe de Saint Ouen



En ces temps d'amalgames et de
confusions permettant d'entretenir
et d'attiser la guerre des pauvres
contre les pauvres, il est courant de
voir les tenants de la préférence
nationale étendre leur principe
jusqu'au champ de la misère. Le SDF
français monsieur, trônerait au sommet d'une hiérarchie déclinant ses
paliers sordides, tandis que, sans nul doute, le rom serait cantonné aux
niveaux les plus inférieurs. Non seulement le rom n'est pas, la plupart du temps, de nationalité française, mais il n'a pas, lui, fuit la guerre, ni même la famine. Qu'il n'ait pas su s’accommoder d'une tsiganophobie érigée en principe de gouvernement dans les pays où il est né ne saurait servir de prétexte à son installation. De même, quand il dit préférer à une existence soumise aux aléas des expulsions, une sédentarisation assurant, pense-t-il, un avenir moins dés-
espérant à la génération suivante, il lui est répondu que son intégration
serait strictement impossible au regard de critères nébuleux, abscons,
et toujours infondés. Dès lors, l'ONU a beau, une fois de plus, condamner la
France pour sa « politique exclusivement punitive et destructrice  » à
l'égard des roms, ces derniers n'en finissent pas de se heurter à ces fron-
tières intérieures qu'on aura jamais fait que feindre d'abolir.
En ce sens, l'exemple des « dispositifs d'insertion  » dédiés aux populations
roms, leur gestion catastrophique, auront révélé au grand jour la dimen-
sion frileuse, tatillonne, finalement excluante des politiques dites d'accueil et de tous les pseudo « efforts » consentis à l'égard des populations exogènes. Ce «  oui mais non  », ce marché de dupes consistant à placer sous le joug d'un régime ultra discriminant les nouveaux arrivants, à leur imposer des mise aux normes
diverses et variées, à les contraindre à embrasser un modèle qui leur est
parfaitement étranger et ceci contre la promesse d'une insertion expresse
qui n'aura jamais lieu, résume à lui seul la réponse qui est aujourd'hui donnée aux roms et qui sera, demain, apportée aux vagues actuelles de migrants. Les frontières intérieures, soyons-en persuadés, se révèlent aussi ardues à franchir que celles qui continuent de séparer les territoires et les peuples.


L’Allemagne et les réfugiés

Pierre Sommermeyer

Il faut bien dire que l’image de ce pays s’est bien ternie après l’affaire grecque qui n’est d’ailleurs toujours pas terminée. Ces jours-ci marquent un retour de balancier comme si notre voisine outre-Rhin était plus généreuse vis-à-vis des Irakiens et des Syriens que vis-à-vis des Grecs. On ne peut pas dire qu’il y existe un sentiment de culpabilité qui expliquerait cela. Par contre ce qui est sûr c’est que l’Allemagne est un pays d’anciens réfugiés. Et cela nous l’avons oublié, enfermés que nous sommes dans le souvenir des actes nazis de la dernière guerre. Il y a d’abord eu les réfugiés venant de Russie dans les années 20, fuyant la « révolution » bolchévique. Puis il
y eut les réfugiés allemands qui ont quitté ce pays, fuyant le IIIème Reich
( la comparaison avec Daesh peut être faite). Puis il y eut les réfugiés venant de
l’URSS et des pays orientaux qui suivaient l’armée nazie dans sa retraite.
Puis il y eut dans le pays détruit en 1945 les réfugiés d’une région vers une autre en recherche d’un abri ou d’une pomme de terre à manger. Il faut lire ce livre-reportage dans lequel Stig Dagerman, ce formidable écrivain anarchiste suédois, relate son voyage au cours de cet « Automne allemand » de 1949 pour
saisir l’immense détresse de ce pays détruit autant moralement que phy-
siquement. Avec la fermeture progressive de la frontière entre la zone russe et la
partie occidentale, l’Allemagne de l’Ouest accueillit près de quatre millions de réfugiés quittant la zone orientale. Après 1989 ce fut le tour des Russes allemands (Aussiedler) du fait du droit du sang. On en compta plus d’un million de 1989 à 2006. Entre temps, il y eût la réunification qui correspond à une espèce d’accueil de réfugiés économiques sur place. Comme on peut le voir, il n’est pas possible de comprendre ce qu’est l’Allemagne si on ne prend pas en
compte l’importance que joue la notion même de réfugié. Aujourd’hui la machine caritative allemande tant protestante que catholique s’est jetée à corps perdu dans cette bataille de l’accueil. Dans un pays sans école maternelle d’une part et
avec une journée scolaire qui finit très tôt par rapport à nos critères, les églises tant protestantes que catholiques pèsent d’un poids sans commune mesure avec la situation dans notre pays. Politiquement, il faut aussi comprendre que l’extrême droite allemande est un repoussoir pour la majorité  de la population et Angela Merkell sait bien qu’elle aurait très bien pu elle-même être une réfugiée.


             Liberté de circulation et d'installation.

                Personne n'est illégal.

 

La crise aiguë que nous traversons est due en partie au fait que la question des migrations (notamment des pays du Sud et de l'Europe de l'Est vers l'Europe occidentale) est traitée comme un problème. Les gouvernements successifs n'ont eu de cesse de limiter l'accès au statut de réfugié-e-s et aux procédures de naturalisation. La chasse aux sans-papiers est l'axe principal de leur politique migratoire, influencés qu'ils sont par les extrême-droites européennes et la peur de ne pas être réélus. Ainsi donc, la réponse de la plupart des pays d'Europe face à ces flux de réfugié-e-s, c'est de construire des murs de la honte, de gazer, de frapper, d'enfermer des hommes, des femmes, des enfants. Trop rarement, il est envisagé des solutions humanistes d'accueil, d'espaces de transit. Non, les migrant-e-s sont parqué-e-s dans des centres de rétention, véritables prisons aux conditions dégradantes.
Les migrant-e-s sont traité-e-s comme des délinquant-e-s, coupables a priori d'on ne sait quel crime, si ce n'est celui de vouloir vivre une vie digne et en paix. Car ce qu'ils fuient, c'est d'abord la misère, les conséquences du dérèglement climatique, l'oppression et la guerre.

Combattre les guerres et l'armée.

Nous pouvons aussi être solidaires des déplacé-e-s en pointant ce qui est aux origines de leurs problèmes. Les réfugiée-s sont victimes des politiques des États de leurs propres régions mais aussi des politiques des États occidentaux,
comme la France, qui a soutenu des dictatures, et des États Unis ou de la Russie. Ils paient également le prix fort des commerces d'armes qui, au gré des conflits, changent de mains et se retournent massivement contre les civils. Ainsi la
France a-t-elle vendu des armes en Syrie au gouvernement de Bachar El-Assad mais aussi à ses opposants. François Hollande envoie l'armée en Afrique, en Irak, ... puis s'étonne que cela suscite des colères sous forme de terrorisme et entretient un climat de peur en France, qui sert à stigmatiser davantage les populations immigrées, ou supposées l'être, dans un amalgame entre étrangers, musulmans et terrorisme. Rappelons que les premières victimes de la barbarie islamiste sont les personnes vivant dans ces régions du monde : Moyen-Orient, Syrie, Irak, Libye, Maghreb, Afrique, ...

 Combattre le capitalisme, la pauvreté et la barbarie    religieuse

Les autres sources des migrations découlent également de facteurs oppressifs identifiés. La pauvreté des pays du sud de l'hémisphère est un facteur décisif : les conséquences du colonialisme, passé ou actuel, des systèmes de corruption, du sous-développement... sont, entre autres, la famine et, tôt ou tard, l'exil. Les barbaries religieuses cherchent à contrôler les états -c'est leur but - et alimentent également les conflits. Des gens quittent leurs régions pour éviter la terreur, l'obscurantisme et les meurtres dictés par des mouvements religieux.
D'ici à 2050, il y aura 250 millions de déplacés dans le monde, dont la moitié pour des raisons climatiques. L'organisation capitaliste du monde génère une crise écologique sans précédents et qui impacte des populations qui fuient.
Et l'opinion publique sait tout cela.

Accueillir, dans la dignité et pour l'égalité des droits

Parce qu'aucun être humain n'est illégal sur cette planète, nous sommes opposés aux opinions et attitudes exprimant du mépris ou de la haine pour les gens qui sont contraints à l'exil. Nous ne distinguons pas les réfugié-e-s politiques des
exilés économiques. Nous défendrons toujours les opprimé-e-s quelles que soient leur origine, leur couleur de peau ou leur religion contre les états qui les parquent, les groupes armés qui les chassent, contre les politiciens qui cultivent la haine, contre les groupes qui font le lit du racisme. Aujourd'hui, notre soutien doit aller vers les réfugié-e-s afin de les accueillir dans de bonnes conditions. C'est-à-dire sans les flics ! Il faut pouvoir les héberger, leur trouver de quoi
s'installer et vivre dignement. Ne pas les parquer dans des cités miséreuses mais bien les accepter dans nos vies, dans nos quartiers, dans nos écoles. Et éviter qu'ils ne tombent entre les mains de patrons peu scrupuleux qui les exploiteraient.

Nous défendons une vision internationaliste de solidarité et de lutte contre les oppressions. Notre résistance ici doit être globale et sincère. De cette résistance dépendra notre avenir commun : un avenir solidaire et ouvert ou bien un monde en guerre, refermé sur ses frontières.

Nous revendiquons :
la liberté de circulation des individus ;
le droit de vivre et de travailler dans le pays de son choix ;
la fin des des violences policières ;
la fermeture des centres de rétention et l'arrêt des expulsions ;
l’accueil et la régularisation des réfugié-e-s qui en font la demande.

                                                                                     Relations internationales
                                                                                     de la Fédération anarchiste


mardi 6 octobre 2015

Réalité d'une invasion islamique ou Mensonge d'extrême-Droite ?



En dépit de son caractère fantaisiste, l’influence du scénario d’Eurabia ne cesse de croître. L’ombre du complot musulman alimente une nouvelle logique de défense culturelle : défense des  « valeurs » et du « mode de vie » des peuples européens « de souche » menacés par l’ensemble des minorités ethnoculturelles dont les musulmans représentent la quintessence idéale et terrifiante. Grâce au mythe d’Eurabia, des partis européens objectivement situés à l’extrême droite peuvent prétendre dépasser la distinction droite-gauche. Et se présenter, en falsifiant ces valeurs, comme des défenseurs du progrès, de la liberté, de la démocratie, de l’indépendance, de la tolérance, de la laïcité, séduisant ainsi au-delà de leur périmètre électoral habituel.
C'est la construction de ce mythe  qu'il faut détruire en démontrant le nombre limité des musulmans en Europe. Les sociétés européennes connaissent en effet un taux d’accroissement migratoire stable depuis les années 1980. Il est de 1,1 ‰ en France, de 3 ‰ au Royaume-Uni et de — 0,7 ‰ en Allemagne. Seuls trois pays à majorité musulmane, le Maroc, la Turquie et l’Albanie, figurent parmi les dix premières communautés d’immigrants installés dans l’Union. De plus, les musulmans ne procréent pas davantage que les autres. Dans la plupart des pays musulmans, le taux de natalité est très proche de ceux observés chez les occidentaux, et parfois même plus bas, comme en Iran. Et le taux de fécondité des femmes musulmanes installées en Europe connaît une baisse continue depuis les années 1970, jusqu’à rejoindre celui de la population générale au début des années 2000.
On évoque souvent le risque d’« islamisation du Royaume-Uni », car le nombre de convertis avait doublé depuis dix ans, passant de cinquante mille à cent mille personnes entre 2001 et 2011,  pour une population totale de soixante millions d’habitants. Une personne sur six cents serait convertie à l’islam ; à un rythme de cinq mille conversions par an, à peine plus qu’en France ou en Allemagne, il faudrait six mille ans pour que le Royaume-Uni devienne un pays à majorité musulmane.
Une « invasion » très lente, donc, surtout quand on la compare à la croissance étourdissante des conversions au christianisme évangélique et pentecôtiste dans le monde, par exemple en Chine  en Afrique et en Océanie : dix mille par jour ! Il s’agit de la plus rapide progression religieuse de l’histoire — de zéro à cinq cents millions d’adeptes en moins d’un siècle —, mais peu de médias s’alarment de l’« évangélisation du monde »…
Un danger dont on doit prendre en compte et ce méfier; car son insidieuse médiatisation, en particulier sur les réseaux sociaux est entrain de contaminer la base populaire des sociétés européennes.
Actuellement  la plus insupportable invasion , celle des mensonges, à propos du nombre de réfugiés. En effet, nous sommes submergés de balivernes. Il est vrai que le sujet de l’immigration,   génère  depuis longtemps  un fantasme riche en surenchères et en  tromperies afin de renforcer cette grande frayeur face aux étrangers. Ainsi, le flux de réfugiés ne peut  provoquer qu’une multiplication des affabulations les plus folles. Nous sommes abusés  par des propagandes, d’extrême-droite, souverainiste, chrétienne, le plus souvent frontiste, qui ne se soucient pas d’examiner la vérité des faits et se contentent de colporter tout un tas de fadaises.
Ainsi, Marine le Pen,  a-t-elle soutenu,  en championne de la manipulation que ces immigrés seraient à 99%  masculins, de ce fait des migrants économiques. Cela est faux, comme le confirme l’UNICEF et le haut-commissariat aux réfugiés, les hommes, qui devancent le plus souvent leurs foyers, sont dénombrés entre 60 et 70%, majoritairement des réfugiés de guerre.  D’autre part, la présidente du FN prétend qu’il y existerait, parmi les musulmans qui fuient la terreur islamiste, "plus de 4000 djihadistes". Ce chiffre n’a rien de réel et n’est qu’une intoxication datée de la propagande de Daech. Les militants d’extrême droite soutiennent encore que ces réfugiés viendraient "voler" le logement des « Français » car plus de 77.300 logements HLM leur seraient réservés. C’est de la propagande mensongère. En effet, ce chiffre est celui du nombre des HLM vacants,  dont il n’a jamais été question d’octroyer  aux réfugiés en priorité.
Cependant, malgré  les démentis éclairés des spécialistes, le flot des bobards continu d’inonder les esprits et risque de nous conduire vers des repliements, nationalistes égoïstes et mortifères!

  Michel-R, FA34 Montpellier

vendredi 18 septembre 2015

L'Utopie est dans les prés Campements militants temporaires et autogérés ( source, revue réfractions) Francis Dupuis-Déri

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La principale valeur morale et politique du vaste mouvement
altermondialiste réside dans ses propositions et ses expériences
«démocratiques», qui oscillent entre un libéralisme politique plus
égalitaire et participatif et un anarchisme qui s'incarnerait ici et maintenant
dans les pratiques militantes, aussi bien dans la structure globale du
mouvement que dans ses manifestations de rue, ses médias alternatifs, sa
production artistique et ses campements militants qui surgissent, par exemple,
en marge des Forums sociaux. il n'est pas rare au sein des mouvements sociaux
en Occident et ailleurs que des militants plantent leurs tentes et chapiteaux sur
des places publiques ou dans des champs. Cela leur donne l'occasion de vivre
ensemble quelques jours ou quelques semaines, ainsi que d'occuper un lieu et
d'y inscrire leurs critiques des élites économiques et politiques. Cette forme
d'action militante se retrouve dans divers mouvements sociaux. On se
rappellera des jeunes Chinois campant sur la place Tian an Men avant d'y être
massacrés par les chars d'assaut, ou plus récemment les milliers d'Ukrainiens
contestant les résultats des élections présidentielles et campant sur la place
publique à Kiev. Du côté du mouvement altermondialiste, des milliers de
contestataires de l'Assemblée des pauvres en Thaïlande mettent sur pied des
«Villages des pauvres», souvent démontés avec violence par la police.
Tous les campements militants ne participent pas du même esprit politique.
La discussion proposée ici portera plus précisément sur des expériences d'auto-
gestion qui doivent permettre de vivre dans le réelles pratiques démocratiques
et les principes de liberté et d'égalité, soit les campements temporaires de la
campagne No Border, un mouvement de lutte contre les expulsions d'immigrants
hors d'Europe, ainsi que sur le Village alternatif anticapitaliste
anti-guerre(le VAAAG), mis sur pied à Annemasse en France en marge du Sommet du G8 à Évian en juin 2003. Il s' agira premièrement de montrer que ce type d'expérience s'inscrit dans les traditions de l'anarchisme et du socialisme utopique et participe de l'héritage du militantisme anti-autoritaire des années 1960-1970, puis de décrire ces deux expériences en s'inspirant d'entrevues avec des militants et des militantes, et de mon propre engagement au VAAAG,pour ensuite en tirer quelques enseignements critiques et indiquer des pistes d'espoir.

Anarchisme et socialisme« utopique»

L anarchisme se confond souvent avec le «socialisme utopique», théorisé par des auteurs comme Charles Fourier, Étienne Cabet, Robert Owen et Gustav Landauer; et très bien synthétisé par Martin Buber, dans Utopie et socialisme. Le socialisme utopique croit que la révolution ou l'avènement d'une société juste est avant tout affaire de volonté, ce qui le distingue du «socialisme scientifique»
issu du marxisme, pour qui l'avènement d'une
société juste sera le résultat «naturel" de tensions économiques et de transfor-
mations dialectiques du système. Selon le socialisme utopique, l'horizon de
l'émancipation traverse le présent et l'émancipation peut survenir «ici et
maintenant» alors qu'il semble toujours au-devant du sujet politique pour le
marxisme scientifique qui caresse l'espoir d'un lendemain qui chante.
Gustav Landauer résume bien la sensibilité du socialisme utopique lorsqu'il déclare que l'« État est une condition, une certaine relation entre les êtres humains, un mode de comportement humain; nous le détruisons en contractant d'autres relations, en nous comportant différemment.
Dans le même esprit, Hakim Bey, un auteur des années 1990 et plutôt
influent aujourd'hui auprès de militants anti-autoritaires, a pour sa part proposé
le concept de Zones autonomes temporaires (TAZ, pour l'acronyme anglais)
désignant les parcelles d'espace-temps réelles ou virtuelles libérées tempo-
rairement de l'emprise des pouvoirs. L'idée de TAZ correspond bien à cette
sensibilité très réaliste et un peu fataliste commune chez les radicaux d'aujour-
d'hui pour qui une révolution globale est très improbable maintenant en Occident, tant sont puissants l'État, le Capital et les classes conservatrices et réactionnaires", Les théories anarchisantes du socialisme utopique classique ou celles des intellectuels d'aujourd'hui qui parlent d'anti-pouvoir - comme John Holloway et de zones autonomes ne sont pas pures abstractions. Elles s'inspirent d'expériences politiques concrètes d'autogestion et de pratiques d'entraide égalitaires et libertaires qui existent déjà en marge de l'État et du Capital, mais qui restent le plus souvent ignorées des spécialistes de l'histoire ou de la politique, obsédés par les événements à grand déploiement (guerres, révolutions) et les personnalités officielles, ignorants des actions populaires menées par des individus anonymes et qui ne sont pas orientées vers l'État. Pierre Kropotkine explique que toute une série d'associations - sportives, scientifiques, de sauvetage, constituées de volontaires, d' artistes, de religieuses, etc.fonctionnent sans l'intervention directe de l'État et participent de cet esprit d'entraide, de liberté et d'égalité, indiquant ainsi que la multitude a la capacité de s'auto-organiser, sans maître(s).
L'anarchisme et le socialisme utopique trouveront aussi pendant les deux derniers siècles à s'incarner en Occident dans des «milieux libres», communes rurales ou usines collectivisées. Une série d'insurrections en Allemagne, en Hongrie et en Russie, vont permettre la création de Conseils ouvriers qui auront la vie plutôt courte et la mort sanglante. La Guerre civile espagnole (1936-1939)permet aux révolutionnaires anarchistes de libérer des communes rurales et d'instaurer l'autogestion dans les industries.
Moins spectaculaire, mais plus récent, le mouvement «autonome» issu de l'Italie radicale des années 1960-1970, et rapidement implanté en Allemagne et en Hollande, va organiser des squats par centaines, des lieux explicitement politiques, où l'on trouve des dépôts de vêtements gratuits, des cuisines des salles de spectacles, des centres de documentation (<<infoshop»),des cafés, etc. Il existe aussi, en France et ailleurs,des dizaines d'écovillages créés par des groupes d'individus qui ont repris possession d'un village en friche et qui l'ont rénové pour Y développer une communauté autonome et autosuffisante en termes alimentaires.Ces lieux ne sont pas tous animés par un projet explicitement politique,  mais plusieurs s'affichent comme des projets libertaires et y favorisent une réflexion critique et radicale sur les notions de propriété privée, les modes de consommation et le militantisme . populaires,

Les «nouveaux mouvements sociaux» 
 des années 1960-1980 (féministes radicales, écologistes, pacifistes, homosexuel-le-s), aussi connus sous le nom de Nouvelle gauche" ou de Contre-culture?, vont
réactiver - souvent en marge des organisations explicitement anarchistes - le principes égalitaires et libertaires. Ces mouvements se distinguent des mouvements sociaux hiérarchisés de type syndicat ouvrier ou parti de masse par des organisations fonctionnant au consensus, sans chef(s) formel(s) ni postes permanents. L'organisation militante elle-même devient alors un espace libre et autonome en quelque sorte autogéré par les membres et dans lequel se développe par la délibération un sens du bien commun, de l'égalité et de la liberté". Plusieurs groupes militants du mouvement alter-mondialiste, tels que les Convergences de luttes anticapitalistes en Amérique du Nord, les «groupes d'affinité» et les Black Blocs, pour donner quelques exemples, sont conçus par leurs membres comme des zones autonomes temporaires.Se n'est pas surprenant que ces acteurs politiques qui militent sur un mode auto-gestionnaire soient portés à organiser des actions ponctuelles qui relèvent de l'esprit du «socialisme utopique», comme des campements autogérés temporaires. C'est ce qu'ont fait dans les années 1970 et 1980, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Hollande, des militants antinucléaires qui ont mis sur pied par dizaines des campements autogérés, comptant parfois des milliers de personnes organisées en «groupes d'affinité»: citons l'action collective contre le site de l'usine nucléaire de Seabrook (New Hampshire, fin avril 1977), celles des Britanniques de la Campaign for Nuclear Disarmament, le campement
pacifiste anarcha-féministe de Creenham Common. S'il semble y avoir une sorte
d'essoufflement de ce type d'action dans les années 1990, les camps étant moins
nombreux, d'une ampleur moins grande et moins publicisés, les squats urbains et
ruraux ont continué d'exister et diverses organisations politiques ont proposé à
leurs membres et sympathisants des camps d'été, qui permettaient d'appro-
fondir en quelques jours la formation militante et les liens de solidarité à travers
ateliers, débats et fêtes. Le mouvement altermondialiste n'est donc pas une créa-
tion spontanée, mais une convergence de mouvements déjà existants et ses campements s'inscrivent dans l'héritage de ces expériences qui participent consciemment ou non à la tradition de l'anarchisme et du socialisme «utopique». Mais les objets de mobilisation - dénoncer les expulsions en masse de migrants, confronter un sommet du CS - relèvent des préoccupations politiques du temps présent.


 No Border

La campagne No Border a été lancée lors d'une réunion à Amsterdam, en dé-
cembre 1999• Cette campagne consiste principalement à mettre sur pied des
campements temporaires en des lieux spécifiques - zones frontalières, aéro-
ports, villes-symboles - pour dénoncer les politiques européennes d'immigration
jugées discriminatoires et racistes par les militants. Depuis 1999, des dizaines de
«villages» auxquels ont participé des milliers de militants ont été organisés,
principalement en Europe centrale mais aussi en Australie. En juillet 2001, un
millier de militants et de militantes vont camper près de l'aéroport de Francfort
par lequel transitent le plus grand nombre de personnes déportées par l'Allemagne.
D'autres camps auront lieu, en juillet 2002 à Strasbourg pour dénoncer le Schengen Information System (SIS),en août 2003 à Cologne, ces deux-là ayant été soumis à une dure répression policière. L'objectif de ces campements est
double: (1) négatif: exprimer une critique du modèle de l'État-nation pour en
dénoncer la conception nationaliste de l'ordre politique et de la participation
politique; (2)positif: permettre aux participants d'expérimenter de façon tempo-
raire la pratique de l'autogestion d'un lieu de vie collectif (le « village »). Dans le
guide du camp No Border de Strasbourg, des militants expliquent que cette expérience est une occasion «de mettre en place ici et maintenant [...] ce à quoi nous aspirons» et qui permettra la «mise à l'épreuve de nos idées et pratiques »!". Les villages s'organisent par barrios (quartiers), chacun s'articulant autour
d'une cuisine militante et disposant d'un espace d'assemblée, d'un point d'eau,
d'un point ordures avec tri sélectif, et de douches. Les campeurs peuvent passer
d'un barrio à l'autre, selon leurs affinités.

Chaque barrio est en quelque sorte autonome, tenant chaque matin une assemblée générale où sont discutées la vie quotidienne (partage des tâches,bruit, etc) et les éventuelles actions politiques. Chaque barrio délègue un
ou deux représentants qui participeront à la réunion inter-barrie  de la journée, et viendront faire rapport dans l'après-midi ou le lendemain. Phénomène original et en rupture profonde avec le système politique officiel, les enfants avaient leur «espace» et leurs propres assemblées au camp No Border de Strasbourg.  ils pouvaient aussi intervenir dans les barries d'adultes, comme en témoigne un participant: Dans notre barrio,  il y a eu une assemblée générale exceptionnelle suite à la répression: nous craignions une attaque sur le camp et nous discutions
d'un plan d'évacuation des enfants. Un gamin de 7-8 ans a pris la parole pour dire qu'il ne voulait pas que les enfants  soient exclus et il proposait même que
les enfants soient placés en première ligne et organisent une sorte de sit-in  si les policiers intervenaient. Je ne sais pas s'il répétait quelque chose qu'un adulte lui avait soufflé, mais il avait l'air bien dégourdi.
Un autre militant raconte une expérience similaire: J'ai assisté à une assemblée générale de barrio où des enfants sont venus nous expliquer qu'il y avait des adultes qui squattaient leur espace. Ils disaient: notre espace n'est déjà pas très grand, celui des adultes est très grand, alors laissez nous notre espace.
Les campements No Border ne sont pas tous similaires, et leur fonction-
nement n'est pas exempt de ratés, parfois importants. Au-delà des problèmes délibératifs et techniques évidents,  ces expériences de zones autonomes autogérées temporaires permettent aux militantes et aux militants de tester dans
 le réel leurs principes politiques et d'expérimenter un élargissement plus égalitaire de la sphère politique, en rupture avec l'idéologie libérale dominante en Occident.

Le VAAAG:

Village alternatif
anticapitaliste anti-guerre

Le concept des villages a été repris lors de mobilisations contre les sommets du
G8, en 2002 à Kananaskis au Canada (mais le projet a été annulé suite aux interférences des autorités) et en 2003 à Évian. J'ai milité de février à juin 2003 au sein du comité organisateur de Paris du VAAAG, puis j'ai vécu six jours au
 VAAG entre le 28 mai et le 3 juin 2003. Au plus fort de la mobilisation, le VAAG
 a compté de 3000 à 4000 personnes". En raison de son ampleur, de sa durée et de sa dynamique, ce fut l'une de mes expériences militantes anarchistes la
plus stimulante et enivrante, quant à l'expression des valeurs d'égalité et de
 liberté individuelle et collective. Le VAAAG était au départ une initiative de militants du réseau antifasciste No Pasaran, qui avait lancé l'idée en octobre 2002. Plusieurs des initiateurs du VAAAG avaient participé au camp No Border de Strasbourg, et ils ont donc importé ce mode d'action collective satellitaire au mouvement  altermondialiste directement dans le mouvement. La coordination en amont regroupait des individus autonomes, mais aussi des membres de diverses organisations de gauche et d'extrême gauche. Une scission a été consommée en février, un Village intergalactique (VIG) moins autogestionnaire se créant à quelques centaines de mètres du VAAAG. En marge du GS, des villages ont également surgi à Genève et à Lausanne, de même qu'un petit campement non-mixte à deux pas du VAAAG, le Point G, comptant une trentaine de féministes, malheureusement la cible de bien des attaques anti-féninistes".
Le VAAAG a été organisé par divers comités locaux où la charte et les diverses
questions techniques étaient discutées, et qui déployaient les efforts de publicité, de mobilisation et de levée de fonds (affichages, tractage, concerts bénéfices, etc.). S'inscrivant dans l'esprit du socialisme utopique, un bulletin paru au mois d'avril 2003 expliquait ainsi le projet du VAAAG: Nous imaginons cet espace comme un lieu autonome d'action et de réflexion, [ ,.] un lieu au sein duquel seraient mises en avant les pratiques collectives fondées sur l'autogestion et sur la démocratie directe.  Ce village sera un laboratoire d'idées». Bref, ce devait être «un espace d'expérimentation sociale et politique».
Ce sont des membres de ces comités qui sont arrivés à Annemasse une dizaine de jours avant le début du campement pour en mettre en place l'infrastructure. Dans le cas du VAAAG, les militants avaient négocié avec la commune le prêt d'un terrain, ainsi que certains détails techniques importants (approvisionnement en eau et en électricité, bennes à ordure, toilettes chimiques").Comme aux camps No Border, le VAAAG était divisé par barrie, chacun tenant ses assemblées générales. Il y avait aussi des débats et des projections de films dans la journée, et des spectacles de musique le soir. En plus de ces événements prévus à l'horaire, des militantes et militants ont organisé des assemblées ad hoc, surtout en soirée, pour discuter rapidement d'une action, par exemple, ou d'une réaction à la répression policière. Comme les campements
de la campagne No Border,  le VAAAG n'a pas fonctionné parfaitement.
Cela dit, ce fut une occasion, extraordinaire pour les militantes et les militants de concrétiser leurs idéaux politiques et d'en discuter collectivement.

Critiques et perspectives d'avenir 

Si plusieurs militantes et militants sortent de cette expérince d'autogestion enthousiastes pour cette démocratie directe et inclusive, d'autres sont plus critiques: Au campement No Border de Strasbourg, l'organisation des assemblées était trop lourde: il y avait tôt le matin des assemblées dans les barries. puis une assemblée de porte-parole des barries, puis un retour des porte-parole dans des assemblées de barrie. Cela pouvait prendre les six premières heures de la journée ... En plus, il n'y avait pas d'ordre du jour et ily avait une sorte de dogme voulant qu'il était plus juste de ne pas avoir de facilitateur aux assemblées. Cela excluait les gens qui voulaient résoudre des problèmes de façon efficace et rapide, qui quittaient rapidement ces assemblées". Un des principaux problèmes, selon mon expérience au VAAAG, s'explique par la trop courte durée - quelques jours- de cette expérience, toutes les questions devant être discutées tout de suite et rediscutées tout le temps, puisque de nouveaux participants arrivent constamment. Si l'expérience s'était prolongée pendant plusieurs semaines, il aurait été possible de n'avoir qu'une ou deux assemblées générales par semaine. Mais les militants se mobiliseraient-ils sur une si longue période? Le processus démocratique de prise de décision peut aussi se crisper autour de clivages idéologiques,indépassables en si peu de temps. De plus, dans le cas du VAAAG, le camp était très peuplé et la circulation d'information a posé problème, un phénomène d'autant plus important que la démocratie directe exige une parole transparente pour que les décisions soient
prises de façon raisonnable. En l'absence de chef(s). personne ne monopolise
l'information, mais certains lieux reçoivent et concentrent plus que d'autres l'information, par exemple le point d'accueil et le comité légal, ce dernier surtout après le début des actions directes. Les militants veulent alors connaître le déroulement des actions militantes et des réactions policières. Le comité légal, souvent inondé de coups de téléphone de manifestants et débordé par les personnes restées au camp et en quête de nouvelles fraîches, concentre les informations au sujet des manifestants et des policiers et du nombre d'arrestations, et la source de rumeurs fallacieuses, parce que les informations
sont le plus souvent reprises et diffusées avant d'être confirmées. En cas de répression policière, ces expériences peuvent avoir des impacts aussi importants que malheureux sur la communauté militante locale, qui ne peut plus compter sur la solidarité des centaines de campeurs, une fois le camp levé. Un anarchiste de Strasbourg ayant participé au camp No Border explique ainsi: «Avant No Border, on faisait plein de choses à Strasbourg: on organisait des tables de presse, des campagnes de graffitis, des actions anti-pub. Après No Border, on ne voulait plus en faire par peur des flics ... Même pas la table de presse ... »
Un autre militant anarchiste, d'origine grecque et ayant lui aussi participé au
camp No Border de Strasbourg,ne minimise pas les faiblesses de ces zones
autonomes temporaires, mais considère néanmoins qu'elles ont une efficacité
politique certaine. Je comprends pourquoi certains y voient des expériences contre-révolutionnaires, comparables aux petites améliorations qu'exigent et obtiennent les réformistes. Ces îles de liberté [expression grecque 1 ne créent aucun problème fondamental au capitalisme, pas plus que des monastères orthodoxes en Grèce qui fonctionnent réellement sur un mode d'autogestion. Des expériences comme ces villages militants vont échouer à moyen terme: ça peut fonctionner au début, mais ils vont devoir s'adapter. Ceci dit, quand je militais en Grèce, je disais souvent que la distribution d'un millier de tracts est efficace lorsqu'elle permet de toucher une ou deux personnes. Un village sera également efficace s'il permet de toucher une ou deux personnes, au
sein d'un millier de fêtards". Plusieurs militants qui ont participé à de tels campements se plaignent d'y avoir croisé tant de personnes faiblement politisées, qui n'y venaient guère pour expérimenter l'autogestion et participer à la vie politique collective, mais au mieux seulement pour s'engager dans les actions directes comme les manifestations, au pire pour y faire la fête, ce qui causera des frictions entre les «fêtards» et les militants ayant une conception plus austère de l'activité politique. Un participant au VAAAG tend à relativiser le problème, lorsqu'il discute de l'objectif du village: Le Vaaag sert aussi aux gens à se rencontrer. C'est un beau village de vacances autogéré et je crois qu'il y a énormément de gens qui l'ont pris comme tel. Mais c'est bien que les gens fument, dansent, baisent... Ce même militant, qui ne dénigre pas le côté festif, constate du même souffle que des expériences comme le VAAAG restent très partielles en termes d'auto-gestion, et qu'elles ne peuvent rivaliser avec le sérieux d'un squat, par exemple. Parlant toujours de l'objectif du VAAAG, il dit: «[je peux ressortir le discours officiel,mais j'y crois aussi un peu : mettre en pratique, expérimenter des idées. Le problème, c'est que ça reste dissocié de la réalité, c'est une fête. J'ai de très bons amis squatters qui mettent ces idées en pratique tous les jours.  Le Vaaag est trop lisse, il donne une idée trop simple de ce qu'est  l'autogestion. J'ai pas vu des gens engueuler des gens parce qu'ils ne faisaient rien. C'est ça, l'autogestion ... »   Il est intéressant de noter la capacité d'autocritique des militants, qui s'inscrit elle aussi dans la tradition historique de l'anarchisme et du socialisme utopique. Deux militants anarchisants du début du XXe siècle, le communiste libertaire Victor Serge et l'individualiste E. Armand, sont ainsi à la fois sympathiques et critiques à l'égard des expériences des «milieux libres». Serge écrit en 1908 au sujet de   L'Expérience communiste, une colonie libertaire fondée en 1907: Il est [... J fou de vouloir tirer de notre société quelques individus suffisamment affranchis des tares ancestrales et sociales pour pouvoir constituer ce noyau d'hommes (sic] libres que doit être une colonie communiste. Et c'est vraiment d'un singulier orgueil que nous croire, nous-mêmes plus ou moins tarés, plus ou moins névrosés,capables de créer un milieu d'harmonie durable". Comment en effet des individus socialisés dans une société injuste peuvent-ils être justes? Un problème que note un participant au VAAAG: «Il n'y a pas tant de problème avec l'organisation des villages en soi qu'avec les individus - et je m'inclus dans cette remarque: il est difficile pour chacun de se libérer de notre socialisation, et il y a des petits chefs qui tendent à érnerger".» Des processus et des rituels sont toutefois pensés pour limiter au minimum les effets des pouvoirs informels: rotation des tâches, par exemple, et recherche du consensus en assemblée générale, anarchiste alternance des tours de paroles entre les hommes et les femmes ou attribution de la parole en priorité à ceux qui en font la demande pour la première fois. Ces zones autonomes temporaires qui fonctionnent sur le mode de l'autogestion et de la recherche du consensus permettent d'ailleurs le développement d'une réflexion sur la méta-stratégie, les militants définissant par eux-mêmes et pour eux-mêmes des concepts comme l'«efficacité", et cherchent en eux-mêmes ou ensemble à évaluer la valeur de ces zones autonomes temporaires. Pour une militante ayant vécu au No Border de Strasbourg et au VAAAG, l' expérience de vie d'un tel campement force J' individu à (re)considérer ses principes et sa sensibilité politiques: Un vinage,c'est une expérience pour toi,
pour savoir si tu es capable de vivre tes idées, et on réalise que le passage de la
théorie à la pratique n'est pas si difficile que ça ... Personnellement,je ne sais pas
si je pourrais vivre à long terme comme ça, les uns sur les autres. Pour moi, la
société libertaire, je la vois comme un village avec la mise en commun et des
assemblées générales collectives,mais avec des lieux d'indépendance, de solitude. Bien sûr, le camping fait en sorte que nous nous retrouvons les uns sur les autres.Une société libertaire ne serait pas du camping". Mais Armand diminue l'importance de la socialisation des personnes qui composent les milieux libres, ceux-ci ne devant pas être évalués à leur capacité à s'inscrire dans la longue durée. Selon l'expérience des colonies libertaires, la durée est en fait «un signe infaillible d'amollissement et de relâchement>", Il faut d'ailleurs se demander ce que signifierait une expérience anarchiste se coagulant dans la durée: quelle liberté resterait à ceux et celles y participant, qui ne feraient que répéter et mimer des pratiques définies par d'autres et depuis longtemps stabilisées?

J'indiquais dans mon article du dernier numéro de Réfractiolls24 qu'au dernier jour du VAAAG, des militantes et militants ont invité par affichage les habitants
d'Annemasse à visiter le campement, et à participer à une assemblée publique et à un festin gratuit. Environ trois cents habitants de tous âges ont répondu à l'appel. L'assemblée semblait mal engagée, alors que le premier intervenant critiquait les campeurs pour avoir profité gratuitement de l'eau et de l'électricité payées par les résidents de la commune. Mais la rencontre s'est terminée de merveilleuse façon, les gens discutant entre eux de politique internationale, nationale et locale, et une citoyenne déclarant que ses taxes et ses impôts n'avaient jamais été aussi bien utilisés. Son seul regret: que le VAAAG ne reste pas à Annemasse plus longtemps. En démontant les infrastructures du camp, on avait érigé de grands bûchers sur lesquels flottait le drapeau noir. Les anarchistes y ont mis le feu, marquant ainsi la fin temporaire de leur action publique. Cette façon dont les militants et militantes d'aujourd'hui se jouent du
temps pour investir l'éphémère peut révéler tout simplement la faiblesse rela-
tive du mouvement social. Le spectacle des TAZ et des villages temporaires
dévoile l'incapacité des militantes et militants - en raison d'un rapport de
force désespérant - de confronter sérieusement l'État et le Capital, ou encore de
prendre et de conserver le contrôle et d'autogérer sur une longue durée des
lieux de travail ou de résidence, voire des quartiers et des villages. Or ces expé-
riences temporaires nous encouragent aussi à (re)penser notre rapport au
politique. et au temps. Vrai, le temporaire déçoit notre désir de révolution globale.

-Mais n'est-il pas normal que militantes
et militants agissent en fonction de leur
contexte précis? Des actions temporaires
comme les campements
militants
révèlent que l'esprit anarchisant du
socialisme utopique continue de vivre
même dans un contexte où les forces
conservatrices et réactionnaires sont très
clairement dominantes. Et les expé-
riences temporaires restent significatives
pour ceux et celles qui y participent.
Pourquoi tout de suite se demander
comment gérer l'avenir? Pourquoi
évaluer uniquement
la pertinence
politique d'une action à sa capacité à faire
advenir plus rapidement la Révolution?
L'autogestion se vit au quotidien, et se
conjugue donc toujours au présent.

Francis Dupuis-Déri




 









jeudi 20 août 2015

Le socialisme libertaire : quelques preuves scientifiques de son bien-fondé

1704Socialisme Cet article est issu d’une série de nombreux textes qui tentent de répondre de façon conséquente aux différentes questions qu’on peut se poser sur l’anarchisme. Il s’agit d’une Foire aux questions anarchiste (Anarchist FAQ) créée par des anarchistes anglais (notamment Lain McKay, connu de nos camarades d’outre-Manche comme contributeur régulier du journal Freedom de l’Anarchist Federation). Le travail qu’ils ont fourni est colossal. Ce sont plusieurs centaines de questions avec des réponses aussi importantes que celle qu’on peut lire ci-après. Il est, hélas, fort peu traduit en français. Alors si, vous aussi, vous cherchez des réponses à certaines questions, ou si vous désirez enrichir votre argumentaire anarchiste, n’hésitez pas : lisez, traduisez et faites circuler sur les sites « FAQ anarchiste » français en construction.
Tout d’abord, juste pour être tout à fait clair, par la recherche du profit, nous entendons « profit monétaire ». Comme les anarchistes considèrent la coopération comme étant dans notre propre intérêt – c’est à dire que nous « profitons » de lui dans le sens le plus large possible –, nous ne rejetons pas le fait que, généralement, les gens agissent pour améliorer leur situation. Toutefois, le bénéfice monétaire est une forme très stricte de « l’intérêt personnel », en effet si étroite qu’il en devient nuisible à l’individu de plusieurs façons (en termes de développement personnel, relations interpersonnelles, bien-être social et économique, et ainsi de suite). En d’autres termes, ne prenez pas notre discussion sur le « profit » dans cette section de la Foire aux questions comme impliquant un déni de l’intérêt, bien au contraire. Les anarchistes rejettent simplement la « conception étroite de la vie qui consiste à penser que les profits sont le seul motif principal de la société humaine » (Pierre Kropotkine, Champs, usines et ateliers, ou l’industrie combinée avec l’agriculture et le travail cérébral avec le travail manuel).
Deuxièmement, nous ne pouvons pas espérer traiter pleinement les effets néfastes de la concurrence et du profit. Pour plus d’informations, nous vous recommandons la lecture de No Contest : The Case Against Competition and Punished by Rewards et de The Trouble with Gold Stars, Incentive Plans, A’s, Praise and Other Bribes, deux livres d’Alfie Kohn. Il relate les nombreuses preuves accumulées qui réfutent le « bon sens » du capitalisme selon lequel la concurrence et les bénéfices sont la meilleure façon d’organiser une société.
Selon Alfie Kohn, un nombre croissant de recherches en psychologie suggère que les récompenses peuvent diminuer les niveaux de performance, surtout si la performance implique la créativité (« Studies Find Reward Often No Motivator », Boston Globe, Monday 19 January 1987). Kohn note qu’« une série connexe d’études montre que l’intérêt intrinsèque pour une tâche – le sentiment que quelque chose vaut la peine pour elle-même – en général diminue lorsque quelqu’un est récompensé pour la faire ».
La plupart des recherches sur la créativité et la motivation ont été effectuées par Theresa Amabile, professeur agrégé de psychologie à l’université Brandeis. Une de ses récentes expériences consistait à demander à des élèves de primaire et des étudiants de faire des collages « stupides ». Les jeunes enfants ont également été invités à inventer des histoires. Les enseignants qui ont évalué les projets ont constaté que les élèves à qui on avait promis une récompense ont fait le moindre travail de création. « Il se peut que le travail commandé, en général, soit moins créatif que le travail qui est fait par pur intérêt », dit Mme Amabile. En 1985, elle a demandé à 72 écrivains créatifs des universités de Brandeis et de Boston d’écrire de la poésie : « Certains élèves ont ensuite reçu une liste de raisons extrinsèques (externes) pour écrire, tel qu’impressionner les enseignants, faire de l’argent et accéder aux études supérieures, et ont été invités à réfléchir à leurs écrits dans ces objectifs. D’autres ont reçu une liste des raisons intrinsèques : le plaisir de jouer avec les mots, la satisfaction de l’expression de soi, etc. Un troisième groupe n’a reçu aucune liste. Puis tous ont été invités à écrire davantage. Les résultats sont clairs. Les étudiants ayant reçu les raisons extrinsèques ont non seulement des écrits moins créatifs que les autres, comme l’ont jugé 12 poètes indépendants, mais la qualité de leur travail a baissé de manière significative. Les récompenses, dit Mme Amabile, ont cet effet destructeur principalement dans les tâches créatives, y compris pour le haut niveau de résolution de problèmes. "Plus une activité est complexe, plus on y nuit par des récompenses extrinsèques", a-t-elle dit. » (Ibid.)
Dans une autre étude, réalisée par James Gabarino du Chicago’s Erikson Institute for Advanced Studies in Child Development, il a été constaté que des filles de classes de cinquième et sixième instruisant des enfants plus jeunes étaient beaucoup moins efficaces si on leur avait promis des billets de cinéma gratuits pour bien enseigner. « L’étude a montré que les tutrices qui travaillent pour la récompense ont pris plus de temps pour communiquer des idées, frustrées plus facilement, et ont fait un travail plus pauvres au final que celles qui n’ont pas été récompensées. » (Ibid.)
De telles études jetèrent le doute sur l’affirmation selon laquelle l’incitation financière est le seul moyen efficace – voire le meilleur moyen – de motiver les gens. Comme le fait remarquer Kohn, « elles contestent également l’hypothèse comportementaliste que toute activité est plus susceptible de se produire si elle est récompensée ». Amabile conclut que sa recherche « réfute définitivement la notion de créativité conditionnée de façon opérante ».
Ces résultats renforcent les conclusions d’autres domaines scientifiques. La biologie, la psychologie sociale, l’ethnologie et l’anthropologie présentent toutes les preuves qui appuient la coopération comme fondement naturel de l’interaction humaine. Par exemple, des études ethnologiques indiquent que pratiquement toutes les cultures indigènes fonctionnent sur la base de relations de coopération importantes et les anthropologues ont présenté des preuves montrant que la force prédominante régissant l’évolution humaine résidait dans les interactions sociales de coopération, conduisant à la capacité des hominidés à développer la culture. Ceci se retrouve régulièrement dans le capitalisme, avec la psychologie du travail désormais promue par « la contribution des travailleurs » et le fonctionnement en équipe, car il est résolument plus productif que la gestion hiérarchique. Plus important encore, les faits démontrent que les coopératives en tant que lieux de travail sont plus productives que celles qui sont organisées sur d’autres principes. Toutes choses égales par ailleurs, les producteurs des coopératives sont plus efficaces que les entreprises capitalistes ou étatiques, en moyenne. Les coopératives peuvent souvent atteindre une productivité plus élevée, même lorsque leur équipement et les conditions de travail sont pires. En outre, plus l’organisation se rapproche de l’idéal coopératif, meilleure est la productivité.
Tout cela n’a rien de surprenant pour les anarchistes sociaux (et cela devrait inciter les anarchistes individualistes à reconsidérer leur position). Pierre Kropotkine a fait valoir que, « si nous en appelons à un témoignage indirect, et demandons à la nature : "Quels sont les mieux adaptés : ceux qui sont continuellement en guerre les uns avec les autres, ou ceux qui se soutiennent les uns les autres ?" nous voyons que les mieux adaptés sont incontestablement les animaux qui ont acquis des habitudes d’entraide. Ils ont plus de chances de survivre, et ils atteignent, dans leurs classes respectives, le plus haut développement d’intelligence et d’organisation physique » (L’Entraide, un facteur d’évolution). De son observation selon laquelle l’entraide donne un avantage évolutif à ceux qui la pratiquent, il a tiré sa philosophie politique – une philosophie qui insiste sur la communauté et la démarche coopérative.
La recherche moderne a renforcé son argumentation. Par exemple, comme mentionné, Alfie Kohn est également l’auteur de No Contest : The Case Against Competition et il a passé en revue pendant sept ans plus de 400 études de recherche portant sur la concurrence et la coopération. Avant son enquête, il estimait que « la concurrence peut être naturelle, appropriée et saine ». Après avoir examiné les conclusions de la recherche, il a radicalement revu le présent avis, concluant que la « quantité idéale de concurrence, dans n’importe quel environnement, que ce soit la classe, le travail, la famille, le terrain de jeu, est nulle… La concurrence est toujours destructive » (Noetic Sciences Review, Spring 1990).
Nous présentons ici un très bref résumé de ses conclusions. Selon Kohn, il existe trois principales conséquences de la concurrence.
Tout d’abord, elle a un effet négatif sur la productivité et l’excellence. Cela est dû à une anxiété accrue, l’inefficacité (par rapport au partage coopératif des ressources et des connaissances), et l’affaiblissement de la motivation personnelle. La concurrence met l’accent sur la victoire sur les autres, loin des motivations intrinsèques, telles que la curiosité, l’intérêt, l’excellence et l’interaction sociale. Des études montrent que le comportement coopératif, en revanche, prévoit toujours de bonnes performances – un constat qui vaut également pour de nombreuses variables. Fait intéressant, les effets positifs de la coopération deviennent plus importants à mesure que les tâches deviennent plus complexes, ou lorsque la créativité et la capacité de résolution de problèmes sont nécessaires.
Deuxièmement, la concurrence fait baisser l’estime de soi et entrave le développement de la rationalité, de l’autonomie individuelle. Une forte estime de soi est difficile à atteindre lorsque l’auto-évaluation dépend de la comparaison à autrui. D’autre part, ceux dont l’identité est formée par rapport à la façon dont ils contribuent aux efforts du groupe possèdent généralement une plus grande confiance en soi et estime de soi.
Enfin, la concurrence sape les relations humaines. Les humains sont des êtres sociaux, nous exprimons au mieux notre humanité en interaction avec les autres. En créant des gagnants et des perdants, la concurrence est destructrice pour l’unité humaine et empêche de se sentir proche des autres.
Les anarchistes sociaux ont longtemps soutenu ces thèses. Dans le système concurrentiel, les gens travaillent à contre-courant, ou tout simplement pour des gains personnels (matériels). Cela conduit à un appauvrissement de la société et de la hiérarchie, avec un manque de relations communautaires qui entraînent un appauvrissement de toutes les personnes impliquées (mentalement, spirituellement, moralement et, en fin de compte, matériellement). Cela ne conduit pas seulement à un affaiblissement de l’individualité et à des perturbations sociales, mais aussi à l’inefficacité économique à mesure que l’énergie est gaspillée dans des conflits de classe et investie dans la construction de meilleures cages plus grandes pour protéger les nantis des démunis. Au lieu de créer des choses utiles, l’activité humaine est dépensée dans un travail inutile reproduisant un système autoritaire et injuste.
Dans l’ensemble, les résultats de la concurrence (documentés par un grand nombre de disciplines scientifiques) montrent sa pauvreté tout en indiquant que la coopération est le moyen par lequel les plus forts survivent.
En outre, comme Kohn l’examine dans Punished by Rewards, l’idée que les récompenses matérielles puissent aboutir à un meilleur travail n’est tout simplement pas vrai. En se basant sur la psychologie comportementaliste simpliste, de tels arguments ne passent pas à l’épreuve des faits sur le long terme (et, en fait, peuvent être contre-productifs). En effet, cela signifie traiter les êtres humains guère mieux que les animaux domestiques ou sauvages (il affirme que « ce n’est pas un hasard si la théorie derrière le "Faites ceci et vous obtiendrez cela" dérive de travaux sur d’autres espèces, ou bien que la gestion du comportement est souvent décrite par des mots mieux adaptés aux animaux »). En d’autres termes, elle « est, par sa nature même, déshumanisante » (Punished by Rewards, p. 24 et p. 25.).
Plutôt que d’être simplement motivés par des stimuli extérieurs comme des robots sans cervelle, les gens ne sont pas passifs. Nous sommes des « êtres qui possèdent une curiosité naturelle de nous-mêmes et de notre environnement, qui recherchent et surmontent les défis, qui tentent de maîtriser les savoir-faire et d’atteindre la compétence, et qui cherchent de nouveaux niveaux de complexité dans ce que nous apprenons et faisons. En général, nous agissons sur l’environnement autant que nous sommes sollicités par lui, et nous ne le faisons pas simplement dans le but de recevoir une récompense » (Op. cit., p. 25.).
Kohn présente de nombreuses preuves pour soutenir sa thèse selon laquelle les récompenses nuisent à l’activité et aux individus. Nous ne pouvons pas lui rendre justice ici. Nous présenterons quelques exemples. Une étude sur des étudiants a montré que ceux qui sont payés pour travailler sur un puzzle « ont passé moins de temps que ceux qui n’avaient pas été payés » quand ils ont eu le choix de continuer à travailler dessus ou non. « Il est apparu que travailler pour une récompense rend les gens moins intéressés à la tâche. » Une autre étude menée sur des enfants a montré que « les récompenses extrinsèques réduisent la motivation intrinsèque ». De nombreuses autres études l’ont confirmé. C’est parce que la récompense revient effectivement à dire que telle ou telle activité ne vaut pas la peine d’être faite pour elle-même – et pourquoi souhaiterait-on faire quelque chose si l’on doit être soudoyés pour la faire ? (Op. cit., p. 70 et p. 71.)
En milieu de travail, un processus similaire se passe. Kohn présente de nombreuses preuves pour montrer que la motivation extrinsèque ne fonctionne pas non plus dans le lieu de travail. En effet, il soutient que « les économistes se trompent s’ils pensent le travail comme une "incommodité" – quelque chose de désagréable que nous devons faire pour être en mesure d’acheter ce dont nous avons besoin, un simple moyen vers une fin ». Kohn le souligne « en supposant que l’argent est ce qui pousse les gens à adopter une compréhension appauvrie de la motivation humaine ». En outre, « le risque de toute incitation ou rémunération au rendement du système est qu’il va rendre les gens moins intéressés par leur travail et donc moins susceptibles de l’exécuter avec beaucoup d’enthousiasme et d’engagement vers l’excellence. Par ailleurs, plus on lie la rémunération (ou d’autres récompenses) à la performance, plus nous causons de dégâts » (Op. cit., p. 131, p. 134 et p. 140).
Kohn soutient que l’idée que l’humain ne ferait que travailler pour le compte de récompenses « peut être qualifié, à juste titre, de déshumanisation » si « la capacité d’une action responsable, l’amour naturel de l’apprentissage et le désir de faire du bon travail font déjà partie intégrante de qui nous sommes ». En outre, c’est « une façon d’essayer de contrôler les gens », et donc « toute personne troublée par un modèle des relations humaines fondé principalement sur l’idée d’une personne qui contrôle l’autre, doit se demander si les récompenses sont aussi anodines qu’elles prétendent parfois l’être ». Il cite l’exemple d’un lieu de travail où « il n’y a pas de moyen de contourner le fait que "l’objectif de base de la rémunération au mérite est manipulatrice". Un observateur plus sec caractériserait ces incitations de "dégradantes", car le message qu’ils véhiculent vraiment est : "Fait plaisir à ton patron et vous recevrez les récompenses que le patron juge appropriées." » (Op. cit., p. 26.)
Étant donné que beaucoup de travaux sont contrôlés par d’autres et peuvent être une expérience horrible sous le capitalisme, cela ne signifie pas qu’il doit en être ainsi. De toute évidence, même dans l’esclavage salarié la plupart des travailleurs peuvent trouver un travail intéressant et cherchent à le faire bien – non pas en raison de récompenses ou de punitions possibles, mais parce que nous cherchons un sens à nos activités et que nous essayons de bien les faire. Étant donné que la recherche montre que les organisations du travail axées sur la récompense nuisent à la productivité et à l’excellence, les anarchistes sociaux ont plus qu’un simple espoir de fonder leurs idées. Ces recherches confirment les commentaires de Kropotkine : « Le labeur salarié est un labeur de serf : il ne peut pas, il ne doit pas rendre tout ce qu’il pourrait rendre. Et il serait bien temps d’en finir avec cette légende qui fait du salaire le meilleur stimulant du travail productif. Si l’industrie rapporte actuellement cent fois plus que du temps de nos grands-pères, nous le devons au réveil soudain des sciences physiques et chimiques vers la fin du siècle passé ; non à l’organisation capitaliste du travail salarié, mais malgré cette organisation » (La Conquête du pain).
Pour ces raisons, les anarchistes sociaux sont convaincus que l’élimination du profit dans le cadre de l’autogestion ne nuira pas à la productivité et à la créativité, mais plutôt les renforcera (au sein d’un système autoritaire où les travailleurs améliorent la puissance et le revenu des bureaucrates, on peut s’attendre à des résultats différents). Avec le contrôle de leur propre travail et les lieux de travail garantis, tous les travailleurs peuvent exprimer leurs capacités au maximum. Ce sera une explosion de créativité et d’initiative, et non une réduction de celles-ci.

AFAQ

vendredi 26 juin 2015

Unité du mouvement libertaire






Nul besoin d'être fin analyste politique pour ce rentre compte que malgré certaines prédictions de nos milieux, le boulevard qui s'ouvrait devant nous au début de la crise c'est transformé en cul de sac. Et que le seul mouvement paraissant profiter de cette situation est l'extrême droite et ce, malgré nos manifestations antifasciste, et autres réunions publiques. Il faut regarder en face la réalité : Nous somme inaudibles, voir même inexistants politiquement. Ce constat vous parais excessif ?
Défaitiste ? Regardez qui est présent dans nos débats, dernièrement par exemple à Montpellier : Des militants ou des convaincus. Aucune personne «lambda» venus écouter ce que nous avions à dire face au FN et autres fafs. Et encore heureux serais-je tenter de dire car on a pas échappés aux sempiternelles piques d'une organisation vers une autre.
Alors que faire, face à cette inexistence politique voir même à cette inexistence de politique dans nos organisations ? Qui préfèrent s'entre-dévorer entre camarades, et faire scission sur scission. Les querelles personnelles ou les égaux prenant bien souvent le pas sur le reste.
J'ai relus une brochure sortie il y a une quinzaine d'années de cela: Unité pour un mouvement libertaire, écris par notre camarade JM Raynaud. Cette brochure n'est sans doute pas exempt de défaut, mais à le mérite d'exister et dans la quelle ont retrouve tout ce dont soufre notre mouvement actuellement, qui existait déjà à l'époque et qui n'a guère évolué: Guéguerre entre différentes visions de l'anarchisme (communistes libertaires, anarcho-syndicalistes, individualistes) et bien sûr entre les organisations (les militants les composant sont bien souvent les mêmes qui ont juste changés de crèmerie), concours de celle qui sera la plus anarchiste. Mais, en parcourant cette brochure je me remémore le plaisir que j'ai à travailler avec mes camarades de la CGA, AL, CNT au sein du CLAF «Collectif Libertaire Antifasciste» qui n'est pas parfait et comme je le dit plus haut assez inaudible aussi, mais je retiens néanmoins que les querelles de clochers mise au rencard on peut bosser ensemble. Alors comme disait Martin Luther King :
J'ai fait un rêve !
J'ai fait un rêve d'unité. Comment se déclinera t-elle ? Une Organisation nouvelle absorbante toutes les autres ? Une confédération , une Union, une coordination dans la quelle toutes les orgas garderons leur spécificité et leur autonomie ? Je n'en sais rien, à nous tous d'y réfléchir si nous décidons d'unir nos forces. Pourquoi faire ? Allez plus loin que l'anti-fascisme du CLAF, travailler ensemble plus souvent que le 1er mai ou lors des grandes manifestations social dans un cortège unitaire. Mais pour promouvoir l'idéal libertaire dans sa diversité mais surtout avec se qui nous réunie tous, l'amour de la liberté de l'égalité social ( au sens large ) et financière. Car n'est-ce pas là l’essentiel ?
Oui, camarades, copains, copines, compagnons, compagnes j'ai fais un rêve, on abandonnait nos querelles de clocher et on se réunissait tous sous une seul bannière, celle de l'unité, de la fraternité libertaire.
Je m'attends à me prendre une volée de pois vert à la suite de ce texte, de me faire traiter de tous les noms d'oiseaux, car en plus je site Martin Luther King qui n'était pas anarchiste ( c'est vrais quoi, j'aurais pus parler de Bakounine, proudhon et autre....). Mais bon j'assume.
A t-on vraiment le choix ? N'est-ce pas s'unir ou disparaître dans «les poubelles de l'histoire», aille je recommence à citer n'importe qui !!!!!
Alors camarades insulter moi si vous voulez mais réfléchissons ensemble à cette unité, dont certains ne vont pas hésiter à se servir pour conserver ou prendre le pouvoir : les Républicains et le FN ou le PS et les divers centristes. Et nous , nous seront là, impuissants à les regarder rogner nos vies.
Voila je vous est raconté mon rêve, mon rêve d'unité.

Yannick, groupe de l'Hérault de la FA.