Lettre
ouverte à ceux qui pensent que participer à la
Marche-de-la-dignité-contre-le-racisme-avec-le-soutien-d'Angela-Davis
n'est pas un problème
Vous
avez peut être prévu d'aller marcher
avec dignité contre le racisme le 31 octobre prochain en
répondant à l'appel porté par Amal Bentoussi. Vous n'avez
peut-être pas prêté particulièrement attention au fait que cette
initiative a été lancée par le Parti des Indigènes de la
République ou vous avez renoncé à prendre en compte ce que cela
signifie. L'appel lui-même se donne d'ailleurs l'air assez normal et
évite les formules choc dont le P.I.R. s'est pourtant fait une
spécialité. On pourra tout de même y relever l'énumération
significative des « Noirs, Arabes, Rroms et Blancs des
quartiers » (fausses évidences et vraies assignations
identitaires, dont la dernière est une nouvelle née des sept
familles de la racialisation) et tant pis pour les prolétaires,
« des quartiers » ou pas, qui ne rentrent pas dans ces
catégories, les débordent ou tout simplement les refusent. L'appel
du meeting de préparation à Saint Denis nous replace clairement sur
les terres du P.I.R., qui ne laissent comme terrible horizon que la
religion et la race, puisqu'on y dénonce les « discriminations
systémiques », avec la mise en avant de 3 catégories
prioritairement discriminées : les « musulmans », les
« Noirs », les « Rroms ».
On ne
marchera donc pas ce jour-là pour la « dignité » de
tout un chacun.
De
l'habituel racisme au singulier contre lequel on propose de marcher
dans le titre, on passe, à la fin du texte d'appel, aux racismes au
pluriel, déclinés ainsi: « l'islamophobie, la négrophobie,
la rromophobie galopantes », il ne manque que l'évocation du
« philosémitisme d'état » pour retrouver à l'identique
les déclarations plus que contestables de la porte-parole du P.I.R.,
à Oslo par exemple. D'ailleurs, dans la présentation des signatures
de l'appel on sépare et on hiérarchise les « femmes
racisées », puis les stars et « personnalités »,
puis les « associations de racisées », enfin les
« soutiens » qui sont les personnalités et groupes non
racisés ou qui ne sont pas cités à ce titre.
On
marchera donc ce jour-là pour la promotion d'un antiracisme repeint
aux couleurs de la race.
Effectivement,
cette marche n'est pas une promenade de santé, c'est une étape dans
l'avancée d'un projet politique en cours.
• Il
s'agit pour les initiateurs de se poser en médiateurs universels
détenant le monopole des réalités des banlieues et des quartiers
populaires, mais aussi de la question des migrants, pour polariser la
conflictualité qui peut y prendre place à travers un filtre racial
et judiciarisant.
• Il
s'agit aussi d'une tentative
de récupération à
la portée bien plus large que celle que SOS Racisme a opéré dans
les années 80, et s'en inspirant sans doute : on s'approprie ici
ouvertement la
marche de 83 bien
sûr, mais aussi les
émeutes de 2005,
et au-delà, l'ensemble de l'héritage
des luttes immigrées,
que ce soit sur les questions des papiers, du travail, du logement,
ou sur d'autres terrains, qui court sur plusieurs décennies.
• Il
s'agit donc de la construction d'enjeux politique autour de la
question raciale avec l'approbation de la présence de personnalités
plus qu'infréquentables, officiellement signataires de l'appel : par
exemple Tariq
Ramadan,
ambassadeur des frères musulmans (dont le Hamas est une des
branches), Médine,
connu pour ses quenelles de soutien à Dieudonné et sa proximité
avec le fasciste et antisémite panafricain Kémi Séba, Ismahane
Chouder de
Participation et Spiritualité Musulmanes, groupe qui a appelé à la
« Manif pour tous » et qui a partie liée avec
l'assassinat de militants d'extrême gauche au Maroc dans les années
90, et bien sûr Saïd
Bouamama,
collaborateur régulier du pro-négationniste Michel Collon, et
Houria
Bouteldja,
porte-parole du P.I.R., coutumière des plateaux télé, de l'éloge
de la famille, de l'ordre et de l'obéissance aux structures
communautaires et à la religion, ainsi que des invectives
antisémites, contre le métissage, homophobes et sexistes.
On
ne marchera donc pas ce jour-là seulement avec la dignité, mais
aussi avec ses nouveaux amis. Dieudonnistes, panislamistes,
proto-fascistes religieux : la dignité a de bien mauvaises
fréquentations en ce moment, sans même parler de ceux qu'elle ne
présente pas le premier soir.
Nous
sommes de plus en plus nombreux aujourd'hui d'horizons relativement
variés, révolutionnaires, anarchistes, communistes
antiautoritaires, militants, entre autres, des luttes de
l'immigration, épris sans doute davantage d'émancipation que de
dignité et de justice, à s'opposer à la récupération en cours et
à refuser la proposition politique portée par cette initiative.
Le 31 octobre,
même du pied gauche, ne marchons pas dans cette combine !
Si
vous avez encore envie de marcher ce jour-là, regardez ce qu'est la
dignité, d'après Sadri Khiari, l'un des fondateurs du P.I.R. dans
son dessin en forme d'autoportrait publié sur leur compte twitter
(et ce n'est pas un fake).
Octobre
2015
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