Une fois n’est pas coutume, on va
parler un peu télé. Mardi 25 octobre 2016, Arte diffusait un
documentaire de Patrick Rotman sur les Brigades internationales (BI).
Encore un film sur la guerre d’Espagne, et encore un film sur ces
Brigades créées par l’Internationale communiste. On pouvait redouter le
pire, encore que Patrick Rotman nous a habitués à une certaine rigueur
dans ses écrits et ses films. Là encore, force est de constater
l’honnêteté du propos pour résumer cette page de l’histoire que le film a
l’intelligence de resituer dans le contexte politique du pays, avant la
création des BI (fin 1936) et après (fin 1938). Ainsi La Tragédie des Brigades internationales
s’inscrit dans une description plus large de la révolution espagnole.
On peut émettre quelques réserves : un peu trop de scènes de batailles
par rapport aux scènes décrivant les réalisations révolutionnaires
(c’est vrai que le sujet du film est sur les BI et pas sur l’œuvre
constructive de la révolution), des approximations comme l’affirmation
qu’il y avait deux Espagne, l’une rurale, nationaliste et catholique,
l’autre citadine, républicaine et laïque. Que je sache, l’Andalousie
rurale (pour ne citer qu’elle) était un fief anarchiste et, donc, ni
nationaliste ni catholique. Quant aux grandes villes du Pays basque, la
laïcité n’était pas vraiment leur trait dominant. Mais passons. Rotman
plante bien le décor en partant des élections de février 1936 qui
portent au pouvoir le Frente popular. S’ensuit, en juillet, le
soulèvement des militaires contre la république, entraînant la riposte
ouvrière contre ces factieux (nombreux extraits de documents sur Madrid
et Barcelone).
Rotman insiste sur la violence des
affrontements, puis en zone républicaine sur les persécutions contre les
militaires vaincus, les gens d’Église et les sympathisants fascistes.
Il aurait pu ajouter que ce seront des responsables anarchistes qui
créeront les patrouilles de contrôle pour mettre un terme à tous ces
débordements et pratiques (paseos, exécutions sommaires)… Pour faire
pendant, le film montre ensuite les violences et assassinats
systématiques perpétrés dans les zones conquises par les troupes
franquistes : tout ce qui est de gauche ou syndicaliste, c’est-à-dire
rouge, est exécuté. Là, par contre, cette terreur blanche n’est pas due à
des débordements, mais à des ordres émanant de l’état-major des
putschistes, et relève d’une véritable « purification politique ».
Au fil des images défilent les visages de
nombre de « personnalités » étrangères présentes en zone républicaine :
écrivains (Hemingway, Dos Passos, Malraux, Neruda, Aragon),
photographes (Gerda Taro, Robert Capa), artistes (Errol Flynn). Mais ce
qu’on peut constater surtout, c’est la disproportion entre l’armement
des forces fascistes et celui des forces républicaines (dès le début,
Mussolini fournira à Franco 70 000 fantassins et chars de combat, Hitler
enverra son aviation). Le camp républicain aura droit, lui, à la
non-intervention des « démocratie » occidentales, à l’arrivée de ces
fameuses Brigades internationales, sans expérience militaire et armées
sommairement. L’aide de l’URSS, tardive et non désintéressée (les 460
tonnes d’or de la Banque d’Espagne fileront à Odessa), sera accompagnée
de mille « conseillers », ou plutôt de commissaires politiques
introduisant Tcheka et NKVD dans la péninsule Ibérique où ils pourront
démontrer l’efficacité de leur « art », notamment au cours des «
événements de mai 1937 » à Barcelone. Les ultimes images sont
douloureuses : la Retirada de 500 000 républicains vaincus vers la
France sous les balles de l’aviation franquiste, « l’accueil » des
autorités françaises qui les parqueront dans des camps où ils
apprendront – énième trahison – la signature du pacte
germano-soviétique.
Le grand mérite du film est de
démystifier certaines versions de ce pan de l’histoire : oui, il y a eu
une aide immédiate et considérable à Franco, en hommes et armement de la
part de Mussolini et Hitler. Oui, il y a eu abandon du gouvernement
républicain par lâcheté des démocraties occidentales (France et
Angleterre). Oui, n’en déplaise aux révisionnistes staliniens, la force
principale dans le mouvement ouvrier et paysan était la Confédération
nationale du travail (CNT), centrale syndicale anarchiste. Oui, le Parti
communiste d’Espagne était ultra-minoritaire et n’a dû son influence –
néfaste – que grâce aux séides de Staline envoyés comme « conseillers »
et imposés par le chantage aux armes distribuées principalement aux
régiments sous commandement communiste. Oui, de nombreux
révolutionnaires de la CNT et du POUM ont été arrêtés, torturés et
assassinés sur ordre de la direction du PCE à la botte de Moscou. Oui,
même les Brigades internationales ont subi des purges de la part du
commandement communiste. Oui, tous les « conseillers » bolchéviques de
retour en URSS sont passés à la trappe : ils avaient pu voir ce qu’était
une vraie révolution sociale, ça méritait, là aussi, une « purge ». De
même que, oui, malgré son zèle et ses « brillants » services, Marty, le
« boucher d’Albacete », a lui aussi été ensuite exclu du PCF. Oui,
Staline et les dirigeants du PCE ne voulaient pas d’une révolution en
Espagne : ils l’ont donc sabordé. Résultat : ils n’ont même pas pu
sauvegarder la république bourgeoise. Franco pouvait les remercier ! Pour voir la vidéo c'est ici:
https://www.youtube.com/watch?v=aO7a7NugEd4
https://www.youtube.com/watch?v=aO7a7NugEd4
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