LE CRIMINEL, C’EST L’ÉLECTEUR !
TU TE PLAINS;MAIS TU VEUX LE MAINTIEN DU SYSTÈME OÙ TU VÉGÈTES. Tu te révoltes parfois, mais pour recommencer toujours.
C’est toi qui produis tout, qui laboures et sèmes, qui forges et tisses, qui pétris et transformes, qui construis et fabriques, qui alimentes et fécondes !
Pourquoi donc ne consommes-tu pas à ta faim ? Pourquoi es-tu le mal vêtu, le
mal nourri, le mal abrité ? Oui, pourquoi le sans pain, le sans souliers, le sans
demeure ? Pourquoi n’es-tu pas ton maître ? Pourquoi te courbes-tu, obéis-tu,
sers-tu ? Pourquoi es-tu l’inférieur, l’humilié, l’offensé, le serviteur, l’esclave ?
Tu élabores tout et tu ne possèdes rien ? Tout est par toi et tu n’es rien.
Je me trompe. Tu es l’électeur, le votard, celui qui accepte ce qui est ; celui
qui, par le bulletin de vote, sanctionne toutes ses misères ; celui qui, en votant,
consacre toutes ses servitudes.
Tu es le volontaire valet, le domestique aimable, le laquais, le larbin, le chien
léchant le fouet, rampant devant la poigne du maître. Tu es le sergot, le geôlier
et le mouchard. Tu es le bon soldat, le portier modèle, le locataire bénévole. Tu
es l’employé fidèle, le serviteur dévoué, le paysan sobre, l’ouvrier résigné de ton
propre esclavage.
Tu es toi-même ton bourreau. De quoi te plains-tu ?
Tu es un danger pour nous, hommes libres, pour nous, anarchistes. Tu es un
danger à l’égal des tyrans, des maîtres que tu te donnes, que tu nommes, que
tu soutiens, que tu nourris, que tu protèges de tes baïonnettes, que tu défends
de ta force de brute, que tu exaltes de ton ignorance, que tu légalises par tes
bulletins de vote, — et que tu nous imposes par ton imbécillité. [...]
Allons, vote bien ! Aies confiance en tes mandataires, crois en tes élus.
Mais cesse de te plaindre. Les jougs que tu subis, c’est toi-même qui te les
imposes. Les crimes dont tu souffres, c’est toi qui les commets. C’est toi le
maître, c’est toi le criminel, et, ironie, c’est toi l’esclave, c’est toi la victime.
Nous autres, las de l’oppression des maîtres que tu nous donnes, las de
supporter leur arrogance, las de supporter ta passivité, nous venons t’appeler à
la réflexion, à l’action.
Allons, un bon mouvement : quitte l’habit étroit de la législation, lave ton corps
rudement, afin que crèvent les parasites et la vermine qui te dévorent. Alors
seulement du pourras vivre pleinement.
Placard anti-électoral, 1er mars 1906.
Publié par l’anarchie n°47, signé Albert Libertad.
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