vendredi 1 juillet 2016

Se réjouir du "Brexit" ?



"Brexit", ce néologisme inventé par les médias pour parler de la sortie de l'Union Européenne par le Royaume Unis. Nous savons aujourd'hui ce qu'il en est. Et nous avons toutes et tous pu voir la joie de certains de nos compagnons de route ou proche camarade se réjouir du vote en faveur de cette sortie. Mais n'est-ce pas un peu se mettre le doigt dans l'œil ?
Tout d'abord, notons que c'est avant tout un vote de repli sur soi. La campagne a porté en grande partie sur l'idée que "entre nous, nous sommes mieux que salis par ces autres qui ne nous ressemblent pas". Nationalisme, patriotisme, xénophobie se sont exprimés comme rarement dans le Royaume Uni, en flux tendu pendant des semaines. Le racisme anti-musulman, sur fond d'attentats en Europe et amalgames douteux, est en roue libre. Même la mort de la députée pro-UE, Jo Cox, abattu par un raciste proche du Ukip (parti d'extrême droite), n'a que peu ralenti la course à la haine.
Comment, en tant qu'anarchistes, pourrions-nous nous satisfaire lorsque l'on voit un référendum être gagné sur des bases aussi malsaines ? Il y avait bien entendu des pros sortie de l'UE qui n'étaient pas sur ces délires, mais tous les sondages, toutes les études faites sur le vote final démontre que c'est bien la xénophobie (la peur de l'autre) qui a été le premier moteur en faveur du "Leave", et ce largement.
D'ailleurs, il est à noter que l'extrême gauche et la gauche anglaise, tout comme le mouvement anarchiste sur place, ont eu un mal fou à faire une contre campagne face à ce flot boueux. C'est même une non-campagne qui a été menée par le Parti Travailliste, la gauche sociale-démocrate anglaise. Seul le nouveau maire de Londres (Sadiq Khan) a mouillé la chemise non par amour éperdu de l'Europe, mais en réaction ferme face à la monté xénophobe. Et il est loin d'être l'homme le plus à gauche que l'on puisse connaitre …
Certes, l'Union Européenne, par sa direction très libérale, par son côté technocratique, par ses relents parfois anti-démocratique est plus que critiquable. Mais elle a permis des choses qui, pour nous, devraient nous parler : l'idée d'un état fédéraliste en devenir (même s'il est bien loin de ce que nous mettons derrière le fédéralisme, et que nous voulons la mort des états), d'une abolition des frontières (même si ce n'est pas pour tous et pas comme nous l'envisagerions) et d'une entraide entre nations évitant la guerre (même si là aussi il y a beaucoup à dire). Que nous le voulions ou non, l'idée de sortir pour se replier n'est pas une idée progressiste, et encore moins une idée qui devrait nous séduire. Même si ça enquiquine une partie des tenants du pouvoir, et une partie de la bourgeoisie européenne. Même si ça déstabilise les marchés qui ne sont que le reflet de notre société de consommation capitaliste.
Portée par le racisme, la xénophobie, le nationalisme et le patriotisme, cette "victoire" ne peut être saluée sereinement par des anarchistes. Elle ne peut, au contraire, que nous alerter sur l'immense tâche qui est la nôtre dans l'avenir pour changer la société non par le repli communautaire, mais bien par la libération des humains de leurs chaînes.
Si nous voulons du fédéralisme, nous le voulons à la sauce libertaire, si nous souhaitons la fin des frontières, ce n'est pas juste pour élargir le terrain de jeu des financiers, si nous désirons la fin de l'Europe, c'est que nous pensons que seul l'internationalisme couplé à une gestion anarchiste de la société est une porte de sortie valable.
D'ailleurs, pour finir, notons que même l'argument d'une sortie contre le libéralisme ne tient pas. Les porteurs de la sortie de l'Union Européenne sont, dans leur immense majorité, des libéraux économique pur jus. Un libéralisme sous le drapeau de leur "belle nation", mais un libéralisme économique débridé quand même !
A nous anarchistes de démontrer que la tentation patriotico-nationaliste n'est jamais le chemin de la paix.
Fab
Graine d'Anar – Lyon