samedi 5 mai 2012

« NOTRE ENNEMI C’EST NOTRE MAÎTRE »

Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Onfray dont l'analyse quant aux élections rejoint la nôtre:


Voter blanc n’est pas s’abstenir, c’est dire son accord avec le jeu démocratique des élections, (même si l’on sait que la politique ne s’y réduit pas toute entière…) et, dans ce cadre, faire savoir qu’on ne souhaite pas porter ses suffrages sur l’un des deux candidats présents au second tour. Le socialiste libertaire que je suis ne saurait voter pour un libéral sous prétexte qu’il faudrait choisir entre deux modalités du libéralisme, voire entre deux libéralismes semblables portés par deux personnalités différentes.

Dans la configuration actuelle, et sur ce sujet de l’Europe libérale comme horizon indépassable de la politique nationale, Nicolas Sarkozy et François Hollande sont bonnet blanc et blanc bonnet : les deux hommes défendent depuis presque vingt ans les mêmes fondamentaux qui nous ont conduit là où nous sommes.

J’ai décidé de ne plus jamais voter pour un libéral qui fait de l’Europe le fin mot de la politique nationale. On le sait, ceux qui font les frais de l’Europe libérale bureaucratique célébrée par François Mitterrand et le Parti Socialiste depuis trente ans, sont les classes les plus modestes – qui, nous dit la sociologie politique, constitue le gros des troupes engagées derrière Marine Le Pen.

Pour autant, les opposants au libéralisme sont trop souvent des opposants aux libertés démocratiques. Pas plus que je ne souhaite porter mon suffrage sur un candidat libéral, je ne souhaite voter pour un antilibéral qui n’aimerait pas les libertés démocr

atiques fondamentales. Je tiens les gens qui citent Brasillach ou Robespierre, deux intellectuels liberticides, pour des personnes auxquelles je n’accorderai pas mon suffrage non plus.

Je ne soutiens pas ceux  qui ont des  indignations sélectives et qui, fort justement, critiquent les uns qui ne sont pas démocrates, mais pour en soutenir d’autres, leurs adversaires, qui ne sont pas plus démocrates ! Je ne souhaite pas choisir entre la politique coloniale israélienne et le terrorisme théocratique palestinien, je ne veux pas choisir entre l’impérialisme américain et la dictature cubaine, pas plus que jadis je n’aurais choisi entre l’Union Soviétique de Staline et le Reich d’Hitler : je prends le parti de la liberté libertaire et non de la liberté autoritaire… Je refuse l’enfermement dans une pensée binaire qui contraint au manichéisme et interdit donc de penser. S’il m’avait fallu en leurs temps choisir entre Sartre et Aron, j’aurai choisi… Camus ! Ni la liberté sartrienne justifiant le goulag, ni la liberté aronienne justifiant Hiroshima, mais la liberté camusienne, la seule qui ne fasse pas fi des peuples dont Sartre et Aron finissent toujours par justifier qu’on les saigne un peu…

Voter blanc, c’est dire non au libéralisme, dire non aux antilibéraux qui n’aiment pas la liberté, et c’est dire oui au jeu électoral en sachant qu’en dehors de ces consultations, la politique peut se faire autrement : je crois à l’anarcho-syndicalisme, aux formules proudhoniennes alternatives à l’économie libérale comme la mutualisation, la coopérative, l’autogestion. Rappelons nous ces idées justes : « Il n’est pas de sauveurs suprêmes / ni Dieu, ni César, ni Tribun » et puis ceci « Notre ennemi c’est notre maître / voilà le mot d’ordre éternel ». Elles se trouvent aussi dans L’Internationale…

Michel Onfray – 27 avril 2012

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