Je me rappelle que l’une des premières questions que nous nous
posions dans les années 90 lors de la création du groupe La
Sociale de Montpellier fut de savoir si le Code du travail était
toujours garant de justice sociale ? Cette question reste
d’actualité.
Il faut souligner
que l’ensemble du Code du travail repose sur le postulat
fondamental de l’inégalité économique entre l’employeur et
le salarié. Il ambitionne donc à limiter le plus possible les
effets pervers de cette inégalité. Il est fondé également sur un
rapport de subordination. L’employeur a l’autorité hiérarchique
et ne doit pas en principe en abuser. Ses articles législatifs
se sont juxtaposés bon en mal en pour y opposer des limites : la
loi, le texte conventionnel, le contrat de travail. Il faut
savoir que le contrat ne prime pas sur la loi. Donc, plus on va
vers la relation individualisée, comme c’est le cas avec le
travail intermittent, plus on doit améliorer des conditions pour
le salarié. La loi n’est qu’un socle de base. Dans le cadre de
la défense des quelques acquis sociaux qui subsistent, se poser
la question de la dérégulation qui risque de mettre en échec la
protection du salarié dans ses rapports de subordination et
d’inégalité. Même avec sa « légitimité », le Code du travail ne
suffit pas. Dans un cadre syndical défensif, Il est nécessaire,
face à la dérégulation proposée par l’état et les entreprises
capitalistes de renforcer un cadre protecteur. Il suffirait de
lutter pour le faire dans une logique de pure protection sociale
et surtout pas dans une logique d’appui professionnel ou
corporatiste. Les salariés ne se laissent pas leurrer par les
nouveaux types d’activités et de contrats que propose la logique
financière du marché capitaliste. Le discours patronal « tous
autoentrepreneurs » n’est pas possible et cache soit « tous
travailleurs précaires » et/ou « tous Travailleurs à flux
tendu ». Même les cadres et les cadres supérieurs se trouvent
dans ce cas prolétarisés car mis en concurrence avec des tâches
informatisées. Dans ce cadre, le management créer l’illusion de
l’autonomie dans un cadre de surveillance centralisé et
autoritaire.
En perte d’égalité
et de liberté sociale, les travailleurs ont besoin de structures
de défense pratiques. Qui restent ces dernières ? Certainement pas les
managements entrepreneuriaux ou administratifs et leurs DRH.
Malgré toute son imperfection, son institutionnalisation dans la
structure économique du capitalisme, il ne reste que Le
syndicalisme.
Le syndicat a été un appui,
quand on connaissait une identité de condition de travail. Les
premiers effritements datent des négociations sur les horaires
variables, il y a quarante ans. Plébiscités par les salariés,
ils furent refusés par les syndicats, qui avaient compris que
l’on faisait tomber l’uniformité de traitement dans une
individualisation des tâches et des salaires. Ce fut le point de
départ de la chute des capacités des syndicats de défendre la
totalité du personnel. Cet éclatement limite les espaces de
défense communs. Le travail externalisé, à domicile ou dans des
locaux participatifs, c’est formidable pour certains, mais
malheureusement plus difficile pour développer un syndicat.
Notre société est
marquée par l’individualisme, avec l’émergence du sujet et de
son autonomie – effet jugé, parfois, positif – et son revers
dans l’isolement, qui va frapper les plus fragiles. Ce phénomène
en se généralisant entraîne des réalités nouvelles comme la
souffrance au travail, le stress. L’injonction à devenir
autonome rend, faute de soutien, cette évolution plus difficile,
plus angoissante. Ce qui devient un réel problème. On constate,
à présent l’émiettement des statuts, notamment avec la
sous-traitance due à l’externalisation et la flexibilité des
tâches. Comment agir pour défendre les plus fragiles socialement
? Certes, la législation
a mis des parapets. Une
entreprise bénéficiaire doit payer les cotisations sociales de
son sous-traitant, si celui-ci fait défaut. La fausse
sous-traitance – contrôlée par entreprise qui permet de payer
moins – est mieux combattue. Depuis juin 2013, les contrats à
temps partiel sont réglementés : au minimum 20 heures, sauf
exception, négociées avec le salarié, et à sa demande. Cependant
avec l‘extension de la sous-traitance, l’esclavage moderne
existe encore ; Il faut un socle a minima de règles et de
garanties, pour tous, y compris les sous-traitants.
On oubli cette
revendication du prolétariat révolutionnaire qui reste
l’abolition du salariat. Le débat faisait fureur au sein des
associations ouvrières réunies en congrès à la fin du XIXème
siècle. Les
révolutionnaires estimaient que le salariat, qui suppose la
subordination du salarié à l’employeur, le privait de sa liberté
et constituait une forme moderne d’esclavage. Les réformistes,
qualifiés d’opportunistes, recherchaient un compromis du côté de
la juridiction prud’homale afin d’obtenir un aménagement du
contrat favorable au salarié. Proudhon, ironique, estimait que
l’abolition du salariat dans l’économie de marché était « comme
si le ministère entreprenait de délivrer le budget de
l’oppression des contribuables ». Marx estimait que « le
salariat ne créant pas propriété au profit de l’ouvrier ne
faisait que créer de la concurrence entre les ouvriers ». On
aurait bien tort de marquer de la distance vis-à-vis de ces
revendications ancestrales aux yeux de certains. Elles
traduisent, même sous leur aspect binaire « la propriété ou rien
» un sourd besoin de liberté, d’égalité sociale, de respect et
d’autonomie.
Je
partage donc à 90% l'avis de François, en insistant sur le fait
que notre analyse du salariat se doit d'avoir en perceptive la
fin du salariat lui-même, donc la fin du travail salarial pour
le remplacer par des activités ou des tâches sociétales - dans
le but de répondre à l'auto-administration et à la satisfaction
des besoins de l’ensemble de collectifs sociétaux autonomes
fédéralistes -.
Michel-Robert groupe A 34 et Gard, Vaucluse
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